« Visiter » une mine est une activité pour touriste ? Oui, assurément. Visiter une mine est du voyeurisme ? Oui, clairement. Visiter une mine vous retourne la tête et le cœur et aide à comprendre l’histoire mais aussi le présent d’une ville minière comme Potosi ? Oui, incontestablement.
Potosi fût l’une des plus grandes et riches ville du monde au XVIIème siècle, lorsque de l’or et de l’argent y ont été découverts. Durant trois siècles l’extraction a été réalisée par des esclaves, on estime que 8 millions d’entre eux y sont morts. Oui, 8 millions, vous avez bien lu. Ces mines ont permis d’enrichir énormément l’Europe et tout particulièrement l’Espagne. Au prix de millions de vies, donc.
Les mines font aujourd’hui encore partie intégrantes de Potosi, 15 000 personnes y travaillent actuellement. Ce sont ces raisons, et l’envie de « comprendre » l’histoire et le présent de la ville qui m’ont poussé à m’y rendre.
Après s’être habillé de vêtements adaptés, notre groupe de 6 personnes s’est rendu au marché pour acheter du matériel à offrir aux mineurs : bouteilles d’eau, feuilles de coca –c’est la seule « nourriture » (seulement mastiquée) qui peut entrer dans les mines, et la coca aide les mineurs à tenir- mais également des bouteilles d’alcool (à 90 ou 95% !) et de la dynamite. Tous ces produits seront offerts aux mineurs au fur et à mesure de notre progression souterraine.
Après un passage dans un « centre de tri », nous pénétrons dans les galeries sous terraine, accompagné d’un guide, lui-même ancien mineur. Soyons clair : progresser dans ces mines est très difficile. C’est dur, vraiment dur. Rapidement la chaleur est élevée (entre 30°C et 40°C), il faut se plier en 3 car la hauteur est faible, l’air manque (non seulement l’endroit est fermé mais en plus ces mines sont situées à plus de 4 000 mètres d’altitude), l’air est poussiéreux, il y peu de lumière artificielle (et bien évidemment aucune lumière naturelle), etc. Je ne parle ici que du simple fait de progresser dans les galeries, alors imaginez y travailler. Personnellement lorsque nous sommes arrivé au premier niveau je me suis dis « qu’est ce que je fais ici, que c’est dur ». Je n’avais pourtant pas touché à un seul outil, j’avais seulement marché, dos courbé et jambes pliées, pendant quelques minutes. J’avais fait la chose la plus facile qu’on puisse faire dans une mine et déjà c’était très dur.
La descente aux niveaux inférieurs –le guide indiquera une descente jusqu’à 60 mètres sous terre- sera tout aussi compliquée. Passages étroits, descentes abruptes, obligation de ramper pour se faufiler dans un trou, etc. le tout dans une chaleur étouffante. Alors que nous sommes à quelques dizaines de mètres sous terre, le guide me donne une pelle pour aider un mineur. Me voila, quelques petites minutes durant, moi aussi un mineur. Quelques courtes minutes pendant lesquelles je mesure l’énorme difficulté du travail.
Durant la visite nous rencontrons de nombreux mineurs –la mine est en activité. Notre guide facilite les échanges avec eux. Ces rencontres sont toutes impressionnantes, que ce soit celle avec le mineur âgé de 15 ans comme celle avec le mineur qui travaille depuis des décennies dans ces conditions. Physiquement ils sont tous fatigués –les chiffres concernant l’espérance de vie d’un mineur en activité varient beaucoup suivant les sources, mais assurément elle n’est pas élevé- mais tous nous parlent de leur vie dans et parfois en dehors de la mine, des raisons qui les poussent à travailler ici (un gain financier plus important), etc. Ces échanges sont tous riches. Riches, mais aussi poignant, alors que notre guide ne cherche pas à faire du sensationnalisme, il veut seulement essayer de nous montrer la vie sous terre. Les conditions sont difficiles, le travail est difficile, le simple fait de progresser dans les galeries est difficile. C’est également dangereux : éboulements, explosions, chariots fous, etc. le danger est permanent. Tout cela n’est bien sur qu’un très rapide aperçu, mais ça aide à comprendre un tout petit peu ce que peut être la vie d’un mineur de Potosi.
D’une manière générale, voyager fait relativiser nos « petits problèmes quotidiens ». Mais visiter une mine en activité et voir le travail quotidien des mineurs est quelque chose qui restera gravé à jamais en vous, et dont vous vous souviendrez à chaque fois qu’un « petit » problème apparait.
Je n’ai pas de photos de la mine. Premièrement, j’estime que cette visite est suffisamment du voyeurisme pour ne pas en rajouter avec des photos. Même s’il y a bien sur la possibilité de faire des photos comme un « reportage », je ne m’imaginais pas prendre des photos au cours de cette visite. Secondement mon appareil photos est trop volumineux pour être emmené dans un endroit aussi exigu.
Donc oui cette visite est du voyeurisme et d’un côté je n’en suis pas bien fier. Mais cette visite vous « calme », elle vous fait réfléchir et relativiser beaucoup de choses. Je n’ai pas pris une seule seconde de plaisir dans la visite –hormis peut-être lors des sourires des mineurs- mais c’est sans aucun doute une expérience humaine intéressante. C’est en tout cas une expérience qui ne laisse pas indifférent.
Hasta luego,
3 Comments
Wahou, effectivement ce devait être super fort !
J’avais visité dans le nord de la France une reconstitution de mine (3m sous terre), et à l’époque ca m’avait impressionné.
Je crois que même si ça a un côté « voyeur », c’est une belle expérience humaine, même si très courte comme tu l’as dit. Et d’après ce que tu racontes, ce n’était pas un « circuit touristique » avec des pancartes, un passage spécial sécurisé, avec séparation des travailleurs qui auraient été mis en spectacle (ce qui aurait été honteux).
ça a du être fort, et intéressant !
see you
Je te dis « chapeau ! » Stéphane. Vu ce que tu racontes, je n’aurais pas qualifiée cette visite de « voyeurisme » mais de tentative de connaître et approcher des vies humaines qu’on trouve généralement plus facile d’ignorer. Je salue la démarche du « touriste » qui aime les rencontres et ne se contente pas des plages et monuments historiques, ce qui va bien dans le sens des voyages que tu nous fais partager. Je comprends que ce fût un moment dérangeant, captivant et marquant, et j’apprécie que tu nous l’ai fait connaître. Ce que tu dis m’a touchée. 1000 bises pour toi. A bientôt.
Impressionnante cette visite!… Merci Stéphane pour ce témoignage!