Si vous avez suivi l’actualité internationale ces dernières semaines, vous n’êtes pas sans savoir que le Brésil est en pleine période d’élections. Le 03 octobre dernier, les Brésiliens –qui ont l’obligation de voter- devaient au total choisir 7 candidats différents, du futur président de la république aux élus locaux en passant par les parlements.
Contrairement à ce que disaient une grande majorité des sondages et des journalistes, Dilma Rousseff, la candidate du PT (Parti des Travailleurs, le parti du président Lula) n’a pas accédée à la Présidence de la République lors du premier tour de l’élection. Elle retrouvera au second tour José Serra, soutenu par les principaux partis d’opposition, à savoir le PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne), le Democratas et le PPS (Parti populaire socialiste). Le Brésil connaîtra son futur président après le vote de dimanche soir, son entrée en fonction est prévue au 1er janvier 2011.
Je ne souhaite pas dans cet article rentrer dans un débat politique. D’ailleurs, et je le regrette un peu, je n’ai pas suivi ces élections de très près. Je vais néanmoins revenir sur les choses qui, de l’extérieur, m’ont le plus étonnées.
Comment ne pas commencer en parlant de ces pancartes posées dans la rue et ces drapeaux agités à longueur de journées, non pas par des militants, mais pas des « salariés » des candidats ? Au mois de septembre, on ne pouvait pas faire 100 mètres sans voir plusieurs panneaux, avec toujours un numéro correspondant au candidat puisqu’au moment du vote –électronique- il faut indiquer le numéro de son candidat dans la machine.

La différence entre militants et « portes drapeaux salariés » : l’envie !

Des panneaux dans la rue à Rio de Janeiro lors de la campagne électorale 2010 au Brésil

Pour les élections au Brésil, on affiche en grand son homosexualité (message politique ?)
Vous avez ici quelques exemples en images, mais j’aurai également pu proposer des documents sonores. Lors de mon voyage dans le Nordeste, j’ai découvert ces voitures qui parcourent la ville à longueur de journée en diffusant des « spots de campagne » et surtout des chansons pour faire connaitre un candidat à une élection. Il y a généralement un court message politique, et surtout un rythme entraînant dans lequel le numéro du candidat revient toutes très régulièrement pour que les gens puissent le mémoriser.
Il y a des chansons dans la rue, mais également des spots publicitaires à la télévision. Devant l’hallucinant nombre de candidats –plus de 21 000 à travers tout le pays (est-ce vrai ?)- les temps de paroles sont très limités. Du coup, l’idée pour une partie d’entre eux n’est pas de délivrer un message politique, mais de retenir l’attention. Et pour ça… tout est possible, et comme souvent les Brésiliens font preuves d’une grande imagination et d’aucune peur du ridicule. Cela me semble adapté lors du carnaval… mais un peu moins en campagne électorale ! En tout cas, la démocratie Brésilienne s’est adaptée à l’esprit de fête, de danse et de musicale locale. Nos campagnes électorales françaises seraient bien ternes à côté. Soit dit en passant, et on le voit dans les vidéos ci-dessous, on retrouve tous les profils comme candidat, y compris des professionnels du sexe !
Alors pourquoi avons-nous une telle vie politique au Brésil et pourquoi la forme et « l’amusement » sont aussi présents en campagne électorale ? L’une des raisons est le manque criant d’éducation de la population. Je l’ai déjà indiqué mais le vote est obligatoire au Brésil, c’est quelques 135 millions de personnes qui choisissent donc les élus du pays. Mais comme l’indique Jean-Jacques Fontaine, ces 135 millions d’électeurs sont bien inégaux devant l’urne. Je cite : « 20% d’entre eux n’ont jamais fréquenté l’école, soit 27 millions de votants. 8 millions sont analphabètes, les 19 autres millions déclarent savoir lire et écrire sans avoir jamais mis les pieds dans une salle de classe. Enfin 45 millions n’ont pas terminé l’école primaire. Au total, ces 3 catégories de votants représentent 53% de l’électorat ». Les méthodes des candidats doivent donc s’adapter à cette situation pour attirer un maximum de voix.
Quand plus de la moitié des électeurs ont un niveau d’éducation assez faible, on arrive à des résultats…étonnants. Un véritable clown (professionnel) a par exemple été élu à São Paulo, le district le plus important du Brésil, et avec le meilleur score du scrutin (1 348 245 voix). Son slogan –ou programme ?- était simple : « Que fait un député ? En vérité je n’en sais rien, mais si vous votez pour moi, je vous le dirai ». Dans un article de Courrier International, on apprend néanmoins que Tiririca, son nom de scène, n’est pas sûr de conserver sa place de député : il va devoir prouver qu’il sait lire et écrire, comme le veut la constitution…
De son côté la campagne présidentielle s’est déroulée dans un autre climat, autrement plus sérieux…mais aussi plus violent. Les programmes politiques ont souvent été occultés par des attaques en tous genres (accusation de corruption, etc.) ce qui, d’après de nombreux observateurs, en a fait la campagne la plus violente depuis celle de 1989, la première après la dictature. La politique en sort-elle gagnante ? Je n’en sais rien, mais Dilma Rousseff ou José Serra en sortira vainqueur dimanche soir.
Coïncidence du calendrier, je me rends à Brasilia, la capitale Brésilienne, ce week-end. Le mardi 02 novembre est férié au Brésil et je fais le pont lundi, j’en profite donc pour me rendre dans cette étrange ville nouvellement construite (1960) sur plan de l’architecte Oscar Niemeyer. Avec ces élections, ça devrait être un week-end mouvementé !
Alors bien sur la politique Brésilienne ne se résume pas à ce que j’ai évoqué ici, je ne parle dans cet article que des choses qui, de loin, m’ont le plus marqué et étonné. Je vous donne ma simple vision des choses, à moi « gringo » qui n’ait pas suivi de près les élections. Cet article est à prendre « avec des pincettes » car j’y aborde qu’une infime partie –la plus superficielle- de la politique au Brésil. La situation est évidemment plus complexe avec des questions plus larges : comment mettre en place une démocratie après des décennies de dictature ? Comment faire fonctionner une démocratie quand le peuple n’a pas de culture politique ? Comment faire fonctionner une démocratie lorsque le niveau d’éducation est faible et que plus de la moitié des électeurs sont soient analphabètes, soient n’ont pas terminés l’école primaire ? Comment gérer les élections dans un état fédéral peuplé de 200 millions d’hommes et de femmes ? Comment faire évoluer le système politique avec cette constitution aussi lourde ? Autant de questions complexes que je ne traite pas dans cet article, d’où la prise de recul nécessaire à la lecture de celui-ci.
Je compte sur vous, lecteurs, notamment Brésiliens, pour apporter votre vision des choses et me corriger si j’ai dit des bêtises !
Até logo,
3 Comments
Petite question: le vote est obligatoire, mais que se passe-t-il si une personne ne vote pas?
Mimine,
Pour l’instant j’ai eu seulement des éléments de réponses par des potes Brésiliens, je vais essayer de trouver une source officiel et je ferai surement un article.
Mais ne pas voter (et ne pas justifier l’absence de vote) entraine pleins de choses : pas de passeport pour voyager, pas de possibilité de passer certains concours, suspension de la paye pour (certains ?) fonctionaires, etc.
J’essaie de développer prochainement.
Stéphane
J’ai mis un peu de temps à commenter mais je dois avouer que c’est un article très intéressant qui met bien en avant des différences dont on ne se doute pas vu de l’étranger surtout à une époque où le Brésil est déjà représenté comme une puissance pleine et entière (cf les BRIC)
Merci Steph